Les bactéries de plus en plus résistantes aux antibiotiques

S’ils ont sauvé d’innombrables vies au cours du 20ème siècle, les antibiotiques connaissent aujourd’hui une baisse d’efficacité au niveau mondial qui inquiète de plus en plus les professionnels de santé. Le 7 Novembre dernier, l’OCDE a publié un rapport sur l’évolution des bactéries résistantes et les conséquences à moyen terme de cette évolution. Au-delà de prévenir qu’il va falloir agir pour éviter que ça n’empire, Il propose également des solutions pour enrayer le phénomène.

L’antibiorésistance : Plus de victimes que la route

La résistance aux antibiotiques ou antibiorésistance est un processus naturel mais qui revêt un caractère inquiétant ces dernières années. En effet, les antibiotiques sont des  molécules (naturelles, semi-synthétiques ou de synthèse) qui s’attaquent à une bactérie ou un groupe de bactéries de façon spécifique. On va donc avoir une cible précise par antibiotique (même s’il existe des antibiotiques dits « à large spectre » pour cibler différentes bactéries en une seule fois).

Mais comme tout organisme vivant, seules survivent et se reproduisent les bactéries qui ont un système de défense contre les molécules utilisées. Après plusieurs générations de bactéries on se retrouve donc avec celles qui ont hérité des résistances de leurs « parents ». Ces bactéries sont appelées multi résistantes (résistantes à plusieurs antibiotiques), voir même “toto-résistantes” (résistantes à quasiment tous les antibiotiques). Et pour ces dernières, il n’y a plus d’arme pour les combattre et l’infection finit par « gagner ».

En France en moyenne chaque année, on évalue à 5600 les décès liés à 8 « super-bactéries » résistantes aux antibiotiques qui leur sont normalement destinés. Si rien n’est fait ce sont 238 000 personnes qui pourraient être concernées d’ici 2050 (Source : OCDE).

Bactérie antibiorésistance

Des causes multiples et des conséquences pour tous

La plupart des utilisations des antibiotiques sont donc celles qui sont faites pour soigner les infections bactériennes chez l’homme. Effectivement le phénomène naturel de résistance est présent rien qu’en utilisant ces antibiotiques mais l’objectif est clairement de préserver leur efficacité le plus longtemps possible, mais on se rend compte aujourd’hui que certaines pratiques comme le choix du mauvais antibiotique, une mauvaise durée de traitement ou une utilisation abusive, accélère et massifie la résistance de certaines bactéries.

Mais ce n’est pas tout ! D’après l’OMS, la moitié des antibiotiques produits dans le monde sont destinés aux animaux et la très large majorité, pour des animaux destinés à la consommation humaine. Ce sont donc ces quantités d’antibiotiques indirectement absorbées par l’homme qui permettent d’accroître la résistance des bactéries.

Enfin, tous ces antibiotiques sont rejetés dans la nature au travers des déjections humaines et animales et se retrouvent dans l’environnement que partagent tous les êtres vivants de la planète. Cours d’eau, nappes phréatiques, sols… même si les quantités sont infimes, elles deviennent suffisamment importantes pour influencer l’antibiorésistance des bactéries à l’échelle de la planète sur une durée qui varie en fonction de la quantité présente dans l’environnement.

Mais au-delà des décès évitables, c’est aussi toujours plus de dépenses de santé que va engendrer cette accélération de l’antibiorésistance. Pour avoir les moyens de lutter contre les bactéries ce sont des quantités toujours plus importantes et toujours plus de recherche qu’il faudra mettre en œuvre au fil du temps. D’ici 2050, le coût rien qu’en France pourrait atteindre plus de 11 milliards de dollars rien que sur ce sujet. Comme beaucoup de maladies, cela touchera toute la population, jeunes ou moins jeunes, riches comme pauvres, citadins comme les ruraux (même si les jeunes enfants et les plus de 70 ans seront les plus exposés).

Une prise de conscience qui commence à porter ses fruits et des recommandations

Même si le taux de résistance des 8 combinaisons “bactérie/antibiotique” jugées prioritaires sont passées de 14% à 17% de 2005 à 2015, il semblerait qu’il marque le pas suite à la prise de conscience mondiale et au changement de certaines pratiques (tant chez l’humain que chez l’animal). Néanmoins, l’OCDE, dans son rapport, préconise un certain nombre d’actions pour sauver jusqu’à 4200 vies et économiser 471 millions de dollars par an en France :

  1. Améliorer l’hygiène des mains, principal vecteur de transmission
  2. Rationnaliser les pratiques de prescription et sensibiliser sur ces pratiques
  3. L’amélioration de l’hygiène des structures de soins
  4. Le report de prescriptions de médicaments antimicrobiens
  5. Les campagnes médiatiques (dont la nouvelle en France annoncée ce 14 Novembre 2018)
  6. La généralisation et la systématisation des tests de diagnostics rapides

Le rapport stipule enfin que, avec 2 dollars par personne et par an, il serait possible de mettre un terme à l’antibiorésistance superflue, ou en tout cas de la ralentir fortement. Avec 40 millions d’euros supplémentaires annoncés pour la recherche sur le sujet en France par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, il semblerait que le 4ème pays européen le plus accro aux antibiotiques veuille prendre le sujet au sérieux.

Des actions à mener également sur le lieu de travail

Avec autant de temps passé ensemble sur nos lieux de travail, la contamination peut souvent être un facteur aggravant qui va répandre les maladies et permettre aux bactéries de se multiplier et de favoriser sa mutation. Les actions de prévention et de sensibilisation sont plus que jamais nécessaires et peuvent être délivrées par votre SSTI qui peut organiser des ateliers de prévention pour votre entreprise sur simple demande. Au-delà des bactéries, c’est également l’ensemble des agents biologiques pour lesquels il faut s’informer et se prémunir afin de faire du lieu de travail un endroit plus sûr et moins favorable au développement de maladies !

Retrouvez la présentation du  Dr Delmas Saint Hilaire du SSTI33 sur le risque Biologique ici :





Pour voir le communiqué de l’OCDE : http://www.oecd.org/fr/presse/2-usd-par-personne-et-par-an-suffiraient-pour-mettre-un-terme-a-la-resistance-aux-antimicrobiens.htm

Pour la présentation du cas de la France : http://www.oecd.org/fr/france/Enrayer-l-antibior%C3%A9sistance-en-France.pdf